Présentation des haïdoucs

Le mot haïdouc semble d’origine hongroise – mais rien n’est moins sûr, il pourrait aussi bien être turc ou bulgare… On le retrouve sous différentes orthographes dans la plupart des pays des Balkans et même en Arménie. Il désigne une sorte de Robin des Bois, un hors-la-loi ayant pris le maquis contre l’occupation ottomane.

Les haïdoucs de Panaït Istrati sont roumains, et à ce titre, il faudrait écrire haïduc (prononcez haïdouk) et haïduci  (prononcez haïdoutch) au pluriel. Istrati a francisé le mot pour son livre.

Panaït Istrati est un de ces auteurs complètement oubliés qui mériteraient une petite place dans notre bibliothèque. Né en 1884 en Roumanie dans une famille pauvre, sa vie se déroule comme un roman dont je vous épargne les péripéties ; l’important est qu’il rencontre Romain Rolland à un moment de misère noire, et que ce dernier l’aide à se lancer en littérature. L’œuvre d’Istrati est rédigée en français, langue qu’il possède parfaitement, bien que ce ne soit pas sa langue maternelle.

Istrati  a la fibre sociale : c’est un homme aux idées généreuses qui milite pour le communisme, à l’instar de nombreux intellectuels idéalistes de l’époque. Il déchantera après deux visites en URSS, dont il ramène le récit « Vers l’autre flamme, confession pour vaincus » – un pamphlet virulent contre le soviétisme. Ce qui lui vaudra bien des inimitiés, mais c’est une autre histoire.

Revenons à nos haïdoucs roumains. Leur colère n’est pas seulement dirigée contre l’occupant turc  mais plutôt contre les représentants officiels, les phanariotes,  notables grecs souvent polyglottes, utilisés par la Sublime Porte comme drogmans – interprètes – dans les régions occupées, avec l’autorité de véritables princes. Haïs par la population, bien que certains d’entre eux furent parfois des princes éclairés, mais cela aussi est une autre histoire.

Réunis dans une grotte – La retraite du Vallon obscur – autour de leur capitaine, la belle Florea Codrilor – Fleur de Coudrier – les rebelles de Panaït Istrati entreprennent de narrer pour quelle raison ils sont entrés en haidoucie, comme on entre en religion, comment leur vie a basculé et les a poussés à choisir la voie dangereuse de la clandestinité.

Tous sont victimes d’une société gangrenée par la corruption, l’impunité des potentats locaux, appuyés par une féroce milice de mercenaires, la débauche du clergé, la morgue des hobereaux et les excès du servage – dureté des corvées, confiscations des pauvres biens, droit de cuissage. Avec en toile de fond la crainte de l’intervention des lointains janissaires, envoyés par la Sublime Porte lorsque les troubles dépassent un certain seuil.

Plus que des détrousseurs de grand chemin, nos haïdoucs sont des bandits d’honneur, justiciers et vengeurs des humiliations, turpitudes, viols, abjections – et des patriotes attachés à leur terre et leurs traditions.

Qu’on ne s’y trompe pas, ces quelques brefs tableaux qu’on pourrait qualifier de champêtres sont le reflet d’un monde cruel dont les échos n’ont pas complètement disparu, un petit livre subversif à portée universelle.

Un livre que j’aime beaucoup, écrit dans une langue noble et imagée, telle qu’on la concevait au début du vingtième siècle. Qui réveille en nous la fibre « redresseur des torts ». J’espère vous avoir donné le goût de le découvrir…

~ par Pénélope sur 16 juin 2012.

2 Réponses to “Présentation des haïdoucs”

  1. Gagné…! Je le mets sur ma liste…merci pour vos billets…j’adooore…!

  2. Trop heureuse, Martine, de faire partager mon enthousiasme…

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